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Il venait de traverser le village de Camigliano, un bourg de petite taille que seule animait la préparation de la fête Dieu une fois l'an. Sur l'allée bordée de peupliers menant à la villa Torrigiani, les habitants réaliseraient un tableau de fleurs et de graines séchées.Il se souvenait avoir porté l'ostensoir devant le prêtre, paré de ses plus beaux atours, et foulé aux pieds cette allée ainsi colorée qui, dit-on, absoudrait son auteur des péchés.
il s'arrêta dans son ascension. Un heure sonnait au carillon de la chapelle de Segromigno. Le tintement grêle de la cloche se répercutait sous les frondaisons des arbres alors qu'il atteignait le mur d'enceinte de la villa. La grille d'accès était ouverte. La cour, autrefois pavée, n'avait pas trop souffert des injures du temps. Les façades étaient rouges sang-de-boeuf. Une arche reliait deux bâtiments et une grille monumentale séparait l'ensemble des corps fermiers du parc.
il s'attardait, observant le vieux gardien et son chien assoupis à l'ombre du grand tilleul. Déposant mille lires sur la table d'un vert passé, il s'introduisit par la porte entrebâillée.
la fraicheur de la fontaine le surprit. L'allée était bien entretenue comme pour dissuader tout visiteur de s'y aventurer.
Il coupa à travers les bosquets et, soudain, surgit la villa, crémeuse, façade masquée dirigée vers la vallée, les statues et bustes de pierre grise rythmant les corps latéraux.
La relation qu'il entretenait avec la villa était quasi charnelle. Son pouls battait au rythme du sien, l'écho de ses fêtes encore l'étourdissait comme il l'avait été, quand sous les hautes fenêtres, à la nuit tombée, il s'enivrait des multiples secrets que celles-ci déversaient dans le parc assoupi.
Sous ses pieds, le gravier, l'ombre des grands arbres et toujours les cigales.
La vallée? il y était né, aux pieds de la Torre Guinigi , au 43. LaPiazza del mercato avait été son aire de jeu mais, son plaisir, c'est au sommet de la tour, à l'ombre du chêne vert qu'il la cherchait quand, dans le lointain, il distinguait la masse blanche de la villa.
Il pouvait y rester des heures et il n'était pas rare que son père vint l'y chercher, tard.
Le parc était calme. A sa gauche, il entendait le claquement sec du jet d'eau central du grand bassin. il prit la perspective qui y menait, ses mains s'attardant sur les hanches rugueuses des Allégories de la Nature qui la ponctuaient.
sur l'eau dormante; le cadavre d'un oiseau reposait.Tout en suivant la balustrade qui ceignait le bassin, il déboucha sur la vaste terrasse.
Il connaissait tous les détails de la demeure, chaque cintre, balustre, balcon, faux-balcon et fronton que la Pietra Serena soulignait en chaque détail de cette teinte grisée si particulière. Elle était sienne l'espace de cette visite et il bénissait le ciel que personne ne se soit encore inquiété de sa présence.
Des tables modernes et banales encombraient l'espace de la terrasse, témoin d'un déchéance qui contraignait l'actuel propriétaire à louer la villa l'espace d'un mariage ou d'un fête. Ses pas résonnaient sur le dallage. Il repoussa la porte.
Le grand salon d'entrée n'avait pas changé, un peu vide sans-doute, sa présence ne troublant en rien la quiétude de l'endroit, il s'y aventura, repoussant portières et portes, découvrant salle après salle les murs désertés de tableaux, meubles et objets que les siècles avaient accumulés et que les propriétaires s'étaient souciés de préserver de la rapacité des voleurs...

3 commentaires:

Woodi a dit…

Mon cher Loïc, j'aurais vraiment voulu voir cette expo... quelqu'un a-t-il filmé ? Y a-t-il quelques images de l'évènement ?

Unknown a dit…

Je n'ai à ce jour que quelques photos, preuves s'il en fût que cette exposition fût une des plus importante qu'il me fût possible de réaliser. Elle devait se passer en trois parties: la grandeur, la déchéance et pour finir, la ruine (avec, à la clé, des concerts et une vente-dispersion de la totalité des pièces dont la particularité était qu'elles étaient référencées comme mobilier (luminaires, argenterie, sol, plafond, etc...)seule la présentation de ce travail fût possible dans la mesure où la propriétaire n'a jamais répondu à ma demande de faire l'évènement in citu;il n'y manquait que le chant des cigales et, en bande-son, les voix, et bruits divers attachés à la vie d'une famille totalement imaginaire (du Moyen-âge aux années 3O)Une étude approfondie sur le mobilier et les évènements associés à ces périodes permettait de donner une crédibilité à cette fiction (prise de la ville de Lucques par les forces d'occupation autrichienne, évènement qui,bien sûr, n'a pas eu lieu; une fiction dans la fiction en quelque sorte.)

Anonyme a dit…

Bonjour Loic
La mise en ligne de votre travail est une très belle initiative car elle permet d'offrir et de partager vos oeuvres avec le plus grand nombre, merci de ce merveilleux cadeau.
Christine sxm

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